Table ronde : La promotion du sport féminin


EXTRAIT ARTICLE INTRODUCTIF – TABLE RONDE « La Promotion du Sport féminin » in L’Ethique en matière sportive », sous la dir. Delphine GARDES et Lionel MINIATO, Ed Presse de l’Université de Toulouse Capitole 1, Avril 2016.

Auteur : Madith ESPINET-FUMAT

La question de la féminisation du sport se pose aujourd’hui comme une question récurrente aux yeux des différents acteurs du sport, publics ou privés, mais sans doute plus largement comme un enjeu qui recouvre de multiples dimensions : sociales, éthiques, sanitaires, économiques et politiques.

Tel que nous le décrit Sabine CHAVINIER[1], sur le plan social et éthique, l’égal accès aux APS s’inscrit, sinon dans un combat, à minima dans un processus qui doit être, encore aujourd’hui, volontariste et qui n’est pas toujours une réalité évidente. Fin 2013, 37% des licences sportives étaient détenues par les femmes alors qu’elles représentent 51% de la population française. On peut y voir ici les marques de l’histoire sociale et du sport moderne qui, selon Fabienne Boucaret[2], journaliste,  « a été inventé dans le dernier quart du XIXe siècle par les hommes pour les hommes. »

Sur le plan sanitaire, la pratique du Sport Santé s’impose aujourd’hui comme une réponse efficace à la lutte contre la sédentarité, tant dans une phase préventive que curative à certaines pathologies ou conduites addictives. Or, au niveau européen en 2013, 47%[3] des femmes ne pratiquent aucun sport ou activité physique. Pour les femmes françaises, l’absence ou la rareté de la pratique sportive s’élève à 61% (et à 55% lorsque l’on considère l’activité physique). Les pouvoirs publics et le mouvement sportif semblent souhaiter se saisir de cette problématique en proposant des actions visant  notamment à développer le sport en entreprise (sur le temps de travail) et la pratique de masse non compétitive.

Les enjeux économiques et politiques du développement de la pratique féminine, quelles que soient ses modalités, sont, sinon prégnants, pour le moins considérables tant pour le mouvement sportif que pour les acteurs publics.

Les fédérations semblent tout avoir à gagner en développant une offre de pratique adaptée (ou tout simplement accessible) au public féminin si l’on considère conjointement :

  • la marge de progression de la part des femmes au sein des pratiquants licenciés (37% des licences en 2013)[4], notamment dans certaines disciplines jusque-là très masculinisées,
  • l’atteinte de ce qui pourrait être qualifié de seuil plafond en termes de nombre de licenciés masculins.

C’est, pour exemple, le cas de la Fédération Française de Football, de Rugby ou encore de tir ou de cyclisme qui affichent des taux de licenciées inférieurs ou égaux à 10% (la stratégie inverse pourrait s’appliquer aux fédérations extrêmement féminisées comme la Fédération Française d’Equitation[5] même si l’inégalité de pratique sexuée s’inscrit bien plus en défaveur des femmes que des hommes).

 

1 – Promotion et médiatisation du sport féminin : quels leviers ?

S’il ne faut surtout pas réduire la féminisation et la pratique sportive au champ fédéral, et encore moins à un simple challenge économique, nous ne pouvons nier l’importance que représente le sport compétitif (professionnel ou non) et sa médiatisation comme vecteur de promotion et développement. Se pose ici la question de la représentation médiatique du sport féminin, tant en termes de volume de diffusion que sous un angle plus sociologique prenant en compte les rapports sociaux de genre. Autrement dit, si des éléments récents tendent à démontrer une amélioration de la médiatisation du sport féminin, nouvellement considéré comme un marché médiatique émergent dans sa dimension sport-spectacle, les constats réalisés entérinent à la fois :

  • une sous-représentation du sport féminin dans les médias audiovisuels
  • des modalités de diffusion qui peuvent être « contreproductif [ves] car renforçant les stéréotypes liés au genre »[6]

Un rapport publié en Mars 2013 par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel[7] révèle que 93%[8] des retransmissions sportives concernent des sports masculins contre 7% pour le sport féminin, qui plus est, diffusé, pour une très grande majorité, sur des chaînes payantes (95%). Pour autant, 50% des meilleures audiences des Jeux Olympiques de Londres sont relatives les épreuves féminines.

Le sport féminin : peu retransmis mais sollicité par les téléspectateurs ? Une étude [9]Havas Sport and Entertainment indique que 64% des français regarderaient davantage de sport féminin s’il était plus souvent diffusé. Les récentes audiences réalisées par l’Equipe de France féminine de Rugby ou de Football démontrent que le sport féminin de haut niveau peut fédérer un nombre important de téléspectateurs (et donc amener des parts d’audience notables aux diffuseurs, notamment de la TNT). Ainsi, 2,1 Millions de téléspectateurs se massaient devant France 4 lors de retransmission de la demi-finale de la Coupe du Monde de rugby opposant la France au Canada en août 2014 alors que le quart de finale de l’Euro féminin 2013, France – Danemark, réunissait 1,8 millions de « télé-supporters » sur W9[10].

Ces succès médiatiques (et populaires), déjà initié par le Hand-Ball et le Basket-Ball, tendraient à démontrer que le haut-niveau féminin des sports collectifs majeurs entre (de plein droit) dans une phase de meilleure visibilité et légitimation accrue aux yeux des médias et du grand public. Il s’affirme ainsi comme un réel vecteur de la féminisation du sport et porteur de valeurs d’excellence sportive et d’exemplarité, tout en développant une dimension éducative et sociale.

Et ce, même si Julian JAPPERT, Directeur du Think Tank « Sport et citoyenneté », nous rappelle que ces constats et les évolutions récentes ne doivent pas pour autant masquer la nécessité, pour les sportives et les médias eux-mêmes, de s’inscrire dans un combat contre les stéréotypes de genre qui prévalent parfois encore dans l’espace audiovisuel, tout autant que sur les différentes scènes sportives.

2 – Repères sur la politique publique sportive sur les processus de féminisation

Au- delà de ces premiers éléments de réflexion, on ne peut aborder la question de la féminisation du sport et de l’égal accès à la pratique sportive sans évoquer la politique volontariste du l’état, notamment sous l’impulsion récente de Valérie Fourneyron et Najat Valleau-Belkacem, autour de différents axes et moyens d’actions :

-tendre vers l’égalité de traitement hommes-femme pour le sport de haut-niveau et sa médiatisation. A ce titre, Valérie Fourneyron annonçait, en Novembre 2013 lors de la conférence de Sport et Citoyenneté « Femmes, Sport et Médiatisation », la création d’un fonds de soutien d’un million d’euros pour la diffusion de compétitions féminines et d’épreuves handisport n’ayant pas encore de valeur marchande auprès des chaînes de télévision. De même, Najat Valleau-Belkacem souhaite pouvoir intégrer les coupes du Monde féminines de Rugby et de Football dans la liste française des évènements sportifs obligatoirement diffusés en clair sur des chaînes publiques[11].

– favoriser l’accès des femmes à des fonctions d’encadrement technique et dirigeant au sein des fédérations – A ce titre, la loi du 4 Aout 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes instaure des quotas  (proportionnellement ou à minima par rapport au nombre de licenciés) qui favorisent l’accès des femmes aux instances dirigeantes fédérales qui doivent tendre vers la parité.

– inclure obligatoirement, au sein des conventions d’objectifs signées entre les fédérations et l’état sur la période 2014/2017, les plans fédéraux de féminisation, initiés depuis 2006 par la Fédération Française de Hand-Ball, Basket-Ball, Cyclisme et Football. Des actions spécifiques doivent ainsi être menées pour favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilité et instances dirigeantes, développer la pratique de la discipline concernée auprès des jeunes filles et femmes ou l’adapter aux attentes du public féminin,  valoriser la médiatisation du sport féminin auprès des diffuseurs.

Au travers du témoignage des différents participants, nous avons souhaité, en centrant les débats sur deux thématiques, mettre en lien les éléments exposés :

[1] Sabine CHAVINIER, Pourquoi se préoccuper de la féminisation du sport ?, Editions Dalloz, Jurisport N°146, Octobre 2014.

[2] Fabienne BOUCARET, Le Sport féminin, Le sport dernier bastion du sexisme, Paris, Editions Michalon, 2012.

[3] COMMISSION EUROPEENNE, Rapports Eurobaromètre spéciaux, 412 : Le Sport et l’activité physique, Mars 2014

[4] MINISTERE DES DROITS DES FEMMES, DE LA VILLE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS, Les Chiffres-Clés du Sport, Paris, Juin 2014.

[5]  82,5% des licences sont détenues par les femmes en 2013

[6]  Julian LAPPERT, Femmes, Sport et médiatisation en Europe, Think Tank Sport et Citoyenneté, Novembre 2013.

[7]  Qui a, par ailleurs, institué, les « 24h du sport féminin » auprès des médias audiovisuels depuis 2014

[8]  CONSEIL SUPERIEUR DE L’AUDIOVISUEL, Rapport : Les enjeux du développement de la représentation du sport féminin dans les médias audiovisuels, Paris, Mars 2013.

[9] Etude HAVAS SPORT ET ENTERTAINMENT/ESSEC, 2013.

[10] 6ième audience annuelle pour W9 en 2013 et 2ième meilleure audience sportive pour France 4 en 2014.

[11] Depuis 2004, un décret  applique, en droit français, la directive européenne « Télévision sans frontière » qui protège l’accès gratuit des citoyens (en clair sur des chaînes publiques) à 28 évènements sportifs d’importance majeure. A ce jour, seuls 5 d’entre eux sont spécifiquement féminins et 5 autres mixtes.

 

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